Quand le rose était une couleur de garçon
Quand le rose était une couleur de garçon – Une histoire de la couleur mode 2017
Quand le rose était une couleur de garçon
Vous rêvez de vous offrir une robe rose poudrée ou des baskets couleur barbapapa cette saison ? Sachez-le : vous n’êtes pas seule. Cette année, le rose, longtemps honnis pour sa connotation « Barbie-cliché féminin » est revenu en force, autant évocateur de douceur que de revendications féministes. Retour sur le parcours de cette couleur engouement du moment, épaulé par les écrits de Michel Pastoureau, le fameux historien des couleurs.
Il a peu écrit sur le rose, à dire vrai, Monsieur Pastoureau. Et pour cause, cette couleur dérivée du rouge est apparue tardivement parmi les pigments utilisés dans le commerce : des siècles après le bleu, le jaune, le noir… C’est une « demi-couleur » dit-on. Cela ne réduit en rien notre amour pour elle. Cela s’explique seulement par notre incapacité à fabriquer un beau rose avant la fin du XIVe siècle et l’utilisation de « bois brésil », essence exotique des Indes et de Ceylan, raconte l’historien.
Le rose depuis le milieu du XXe siècle, c’est la couleur des filles, cela ne fait pas de doute, en tout cas, en marketing. Si on a l’impression que c’est le cas depuis toujours, on se trompe lourdement. Le rose a mis du temps à s’émanciper du rouge et à être considéré comme une couleur à part entière. On le considérait comme un rouge pâle, un peu comme on parle de vert clair aujourd’hui. C’est sans doute parce qu’il était lié au rouge, couleur de la guerre, du sang, de la passion, qu’il a été pas mal porté…par des hommes. Et pas n’importe lesquels, Jésus, Dante ou Henri IV l’ont revêtu avec élégance et panache.
Henri IV représenté en Mars, Jacob Bunel, vers 1605-1606, Pau, musée national du château
VOIR LA VIE EN ROSE BONBON
C’est avec le mouvement Romantique que le rose s’est éloigné du rouge. « [Il] a acquis sa symbolique au XVIIIe siècle, explique Pastoureau dans le Petit Livre des Couleurs, celle de la tendresse, de la féminité (c’est un rouge atténué, dépouillé de son caractère guerrier), de la douceur (on dit encore « voir la vie en rose »). Avec son versant négatif » précise aussitôt l’historien « la mièvrerie (l’expression « à l’eau de rose » date du XIXe). »
Deux siècles plus tard, le rose s’est retrouvé à être la couleur des bébés de sexe féminin, le bleu, s’imposant sur les garçons. Couleur de la vierge et des cieux, celui-ci a une connotation protectrice et divine. La chercheuse américaine Jo B. Paoletti, professeure à l’Université du Maryland en Création mode et textile, date la fixation de cette distinction genrée des couleurs aux années 1930-40, quand les vêtements ont été fabriqués de manière industrielle. Elle juge également qu’il est très difficile de dire bien précisément pour quoi le rose fut assigné aux filles et le bleu au garçon et non le contraire.
Progressivement imposé sur les jouets des fillettes comme sur les rasoirs « féminins », le rose, guimauve, bubble gum ou Barbie, a peu la cote côté mode. Disgracié notamment depuis les années 1970 et son vent de féminisme, perçu comme cagole, princesse, cucul. L’auteure de « Psychologie de la Couleur », Eva Heller cite une étude allemande datant de 2000 dans laquelle 25% des femmes de moins de 25 ans interrogées déclarent que le rose est la couleur qu’elles aiment le moins. Seulement 3% des femmes le désigne comme leur couleur préférée. Il fait partie des couleurs les moins aimées, suivi uniquement du marron, bon dernier.
2017, grand retour. Le rose revient d’abord en douceur, via les très tendres couleurs de l’année 2016, Rose Quartz et Bleu Serenity. Le rose layette contamine nos sacs à main comme nos manteaux d’hiver. Le rose-gold, cuivré, s’infiltre via la planète déco, avant d’atteindre nos bijoux et nos baskets. Enfin c’est au tour du rose pétant, fuchsia, presque Barbie (eh ! oui) de prendre sa revanche.
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ROSE PUSSY HAT
Le 21 janvier 2017, au lendemain de l’investiture de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, des millions de femmes défilent à travers le monde pour défendre leurs droits. Sur les photos de cette journée exceptionnelle, on les voit porter des petits bonnets rose vif à oreilles de chat. Des « pussy hats », référence aux propos et à la politique sexistes du président américain. La boucle est bouclée. Le cliché réducteur devient une arme brandie avec fureur et ironie.
Si ces bonnets sont un excellent représentant du renouveau du rose, on l’a énormément vu s’épanouir dans les campagnes de mode, de Schiaparelli en passant par Gucci, Céline... Fier, assumé, puissant.
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Oh bah dis donc ! J'en ai appris des choses sur cette couleur ! Je ne savais pas tout ce côté historique.
J'aime beaucoup le rose pastel ces temps-ci. Merci aussi pour ta petite sélection toute mignonne.
Merci beaucoup ! Nous avons également appris beaucoup de choses en réalisant cet article 🙂